lundi 17 août 2015
La crise dans la filière du porc : les dégâts collatéraux de l’économie de marché
« La crise du
porc » titrent des journaux en ce début de semaine. Les malheureux
animaux destinés à l’abattage n’y sont évidemment pour rien. Les
sursauts de colère qui expriment les oppositions d’intérêts entre
agriculteurs et capitalistes des industries agroalimentaires ou de la
grande distribution rebondissent cette fois dans le secteur de la
production et de la commercialisation de la viande de porc. La cause
immédiate du mécontentement des éleveurs réside dans le refus des deux
principaux industriels du secteur de leur acheter les porcs à un prix
leur permettant de rentrer dans leurs frais et de dégager un revenu qui
leur convienne. Le conflit oppose aussi les éleveurs à l’État incapable
même d’imposer le compromis sur les prix qu’il avait proposé.
Ce qui se passe dans l’agriculture concerne les classes exploitées
des villes et avant tout, la classe ouvrière. Les salariés, les chômeurs
et les retraités, en tant que consommateurs, ne peuvent pas accepter
que la guerre des prix des produits alimentaires se traduise par des
hausses à la consommation, alors que l’étendue du chômage, le blocage
des salaires et des retraites, les prélèvements croissants de l’État
démolissent déjà leur pouvoir d’achat. Mais aussi, pour des raisons
politiques. De quel côté doivent aller notre sympathie et notre
solidarité ?
Certainement pas du côté des capitalistes de l’agroalimentaire ou des
grandes chaînes de distribution, ennemis directs des exploités. Les
bénéfices encaissés par les propriétaires et actionnaires de ces
entreprises proviennent fondamentalement de l’exploitation des
travailleurs de ce secteur parmi les plus infects aussi bien pour les
salaires que pour les conditions de travail. Mais lorsque le rapport des
forces le leur permet, les capitalistes du secteur complètent leur
bénéfice au détriment de leurs petits fournisseurs du monde paysan :
producteurs de viande, de lait, de fruits ou de légumes parmi d’autres.
La solidarité des exploités doit aller à ceux des paysans qui vivent
de leur propre travail sans exploiter personne, qui se font voler par
les banques, les capitalistes de l’industrie et de la distribution, et
gruger par l’État. Ce dernier prétend jouer les arbitres mais il prend
parti pour le grand capital.
Le secteur agricole lui-même est cependant dominé par une minorité de
capitalistes qui s’enrichissent en exploitant les ouvriers agricoles.
La hausse des prix à la production, qui est une question de survie pour
les petits paysans est en même temps une source de bénéfice
supplémentaire pour les plus gros. Les luttes, même radicales, des
petits paysans au fil des décennies ont toujours profité en dernier
ressort aux plus riches de l’agriculture et ont conduit à une
concentration croissante des exploitations agricoles et à la disparition
des plus petites.
Là est le piège fondamental pour les petits paysans qui ont un pied
dans le monde du travail et l’autre, dans le monde patronal. L’économie
de marché et la concurrence les broient mais ils ne voient leur avenir
que dans cette économie. La défense de leur propriété individuelle est
le b.a.-ba de leurs convictions sociales. Ils s’endettent pour investir
dans des équipements et machines de plus en plus coûteux afin d’être
compétitifs. Mais ce faisant, ils se passent eux-mêmes le nœud coulant
tenu par les banques et enrichissent au passage les capitalistes
fabricants de ces équipements. Le résultat de toute cette évolution est,
pour les paysans, l’éviction des campagnes de nombre d’entre eux. Et
pour l’ensemble de la société, qu’on parle périodiquement de
surproduction, de viande, de lait, de fruits ou de légumes, alors que,
même ici en France, un nombre croissant de personnes ne se nourrissent
pas convenablement et que, sur la majeure partie de la planète, les
classes pauvres sont sous-alimentées ou meurent de faim.
La paysannerie, avec ses rêves de consolider la petite propriété en
conciliant ses intérêts et ceux des prédateurs du grand capital, n’a
aucune solution à une évolution dont elle est pourtant victime. La seule
classe sociale qui peut offrir la perspective d’un autre avenir pour la
société est la classe ouvrière, la classe de ceux qu’aucun intérêt ne
lie à l’organisation capitaliste de la société, à l’économie du marché, à
la concurrence, à la propriété privée des moyens de production. La
seule qui a la capacité de reprendre le combat du mouvement ouvrier pour
le changement révolutionnaire de la société. À condition d’en retrouver
la conscience.
La « crise du porc » est une des expressions, et il y en a une
infinité d’autres et de bien plus graves, de l’aberration et de
l’injustice de l’organisation capitaliste de l’économie et de la
société.
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