vendredi 28 février 2014

Censure raté !

La journal Le Parisien rapporte qu'un mystérieux individu aurait acheté tous les numéros du journal Libération dans les kiosques de Corbeil, ce mercredi. La raison ? Un article apportant de nouvelles preuves dans l'affaire de l'achat de voix à Corbeil. Il s'agirait d'une liste de noms où figure des sommes et les initiales SD à côté. 
Cette liste a été trouvée lors d'une perquisition au domicile de Dassault par la police. Toute la presse en a parlé ces derniers jours. France Inter a largement diffusé l'information. 

Bien sûr, Dassault porte plainte contre Libération. Mais à l'heure d'internet faire rafler les exemplaires papiers dans les kiosques par un sous-fifre pour étouffer l'information, c'est comme qui dirait... un coup d'épée dans l'eau !

L'info a portée de clik !
Et si vous voulez savoir ce que disait l'article, toujours disponible sur le site internet de Libération




Serge Dassault, des achats de voix en rafale

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 Serge Dassault s’est offert le Sénat comme tribune. Lundi, en pleine séance publique, le sénateur UMP et ancien maire de Corbeil-Essonnes (1995-2009) a pris la parole dans l’hémicycle pour se plaindre de n’avoir pas eu «accès au dossier» pendant sa garde à vue, les 19 et 20 février, dans le cadre de l’enquête sur la corruption électorale présumée à Corbeil-Essonnes, instruite par les juges Serge Tournaire et Guillaume Daïeff. L’avionneur a ajouté qu’il a «contesté» devant les policiers les «soi-disant achat de voix», «parce qu’il y en a jamais eu», et que les «soi-disant témoignages» décrivant le système «sont des mensonges».






Les magistrats disposent pourtant d’une preuve décisive. Elle a été saisie le 25 juin, lors d’une perquisition au «Clos des pinsons», la résidence de Dassault à Corbeil, qui lui sert aussi de quartier général pendant les élections. Au 1er étage, dans une armoire, les policiers de la Division nationale d’investigations financières et fiscales (DNIFF) ont mis la main sur quatre versions d’un listing d’électeurs, comportant environ 130 noms. Ces documents, auxquels Libération a eu accès, détaillent, au centime d’euro près, les faveurs dont ont bénéficié ces habitants de Corbeil (dons d’argent, travail, formations, etc.), très probablement dans le cadre de l’élection municipale de septembre-octobre 2009. Ils démontrent aussi l’existence d’un système très organisé, orchestré par Serge Dassault, auquel ont participé plusieurs élus et fonctionnaires municipaux.



Agents et chefs d’équipes

Les listings viennent confirmer les témoignages de Rachid Toumi et Mamadou Kébé, qui ont raconté sur procès-verbal leur job d’agent électoral dans les cités de Corbeil. Tous deux ont décrit un système pyramidal, avec des «équipes» de jeunes recrutés pour convaincre les électeurs. «Ils me disaient ce qu’ils voulaient pour voter […] et moi je répercutais l’info […]. On leur a promis des avantages, du travail, des coups de main pour être embauché, des emplois fictifs et de l’argent aussi», a indiqué Rachid Toumi pour une des campagnes.
Kébé a pour sa part raconté au Monde avoir participé à la campagne de 2009 - après l’annulation par le Conseil d’Etat de la municipale de 2008 pour «dons d’argent» et qui a rendu Dassault inéligible. L’avionneur désigne alors Jean-Pierre Bechter, son salarié et homme de confiance, pour lui succéder. Avec un slogan simple : «Voter Bechter, c’est voter Dassault.» Kébé assure avoir été recruté comme chef d’équipe «deux ou trois mois» avant le scrutin. Il raconte que la formation de son groupe a eu lieu au Clos des pinsons, et que «quelqu’un de la mairie nous remettait en cachette le listing du bureau de vote». Il fallait ensuite appeler «les gens qu’on connaissait». Selon Rachid Toumi et Mamadou Kébé, la rémunération des agents et la réalisation des promesses faites aux électeurs avait lieu après le scrutin.

«Payé» et «non payé»

Jean-Pierre Bechter est élu maire le 4 octobre 2009, avec seulement 27 voix d’avance. Les listings saisis par les policiers étant datés de décembre 2009 et janvier 2010, ils semblent donc correspondre à la rémunération des électeurs pour la première victoire de Bechter. Il s’agit de listes réalisées avec un tableur informatique, complétées par des annotations manuscrites. Le tableau comporte plusieurs colonnes : une pour les «noms» ; une pour les «commentaires» détaillant les faveurs réclamées et l’état d’avancement du dossier ; et deux autres intitulées «payé» et «non payé», où sont inscrites des sommes d’argent. La première renseigne les montants déjà versés, tandis que la seconde correspond probablement à la somme qui reste à régler pour boucler le projet des électeurs. Par exemple, la somme de 1 500 euros liée à Mourad (1) passe de la colonne «non payé» à la colonne «payé» entre le 10 et le 18 décembre 2009.

Faveurs en tous genres

La liste des faveurs accordées donne le tournis. Il y a bien sûr les dons d’argent (plus de 70 noms concernés), en centaines ou en milliers d’euros. Certains sont explicitement liés aux élections. Bernard (1) a ainsi 418,6 euros «non payé[s]» pour «facture campagne SD» les initiales de Serge Dassault , et Béchir (1) a 1 500 euros pour «soutien campagne». On trouve également la rémunération de «[Mamadou] Kébé» et de son «groupe» pour quelque 30 000 euros.
D’autres dons n’ont pas de motifs explicites et portent sur 100, 2 850 ou encore 3 588 euros. Plusieurs jeunes se sont fait payer leur permis auto ou poids lourds, pour environ 2 000 euros chacun. Il y a aussi des prêts pour monter des entreprises et des dons de nature très diverses : 1 000 euros afin de payer une «amende», 1 500 euros d’«impôts locaux», 500 euros pour «soutien sortie détention», 2 000 euros pour un «projet musique» ou encore 3 904 euros consacrés à une «formation». A la fin de chaque listing figure le total des versements. Le 4 janvier 2010, il y en a pour 105 178 euros dans la colonne «payé» et 218 653,6 euros dans celle «non payé».
Pour 45 des 130 noms, aucune somme n’est versée. Il s’agit par exemple de jeunes qui ont bénéficié de contrats d’accompagnement vers l’emploi (CAE, contrat aidé) à la mairie de Corbeil. D’autres électeurs ont été embauchés par la municipalité, tandis qu’un fonctionnaire déjà en poste a été «promu», avec «modification statut en cours». Il y a enfin les interventions gratuites, par exemple pour appuyer des familles auprès des services sociaux, de la «commission de surendettement», ou pour un «logement».

Un suivi serré

La réalisation des promesses est très organisée. Le listing fait l’objet d’une «actualisation» régulière (6 décembre 2009, 10 décembre, 18 décembre, 4 janvier 2010), qui permet de suivre l’avancement de chaque dossier. Serge Dassault est très impliqué : ses initiales, «SD», apparaissent aux côtés d’une cinquantaine de noms, notamment au sujet de dons, ou bien de prêts accordés devant un notaire de Corbeil, Me Imbault. Mohamed (1) a ainsi obtenu 10 000 euros pour la «relance de sa société» : «emprunt via Me Imbault. SD OK, RV le 07/12, dossier conclu».
La gestion des autres cas individuels est confiée à une poignée d’élus et de cadres municipaux, désignés sur les listings par leurs noms, leurs prénoms ou leurs initiales. Certaines semblent correspondre à des personnes déjà mises en examen, comme «CDO» (l’ancienne maire adjointe Cristela de Oliveira) ou «JL» (Jacques Lebigre, ex-directeur de cabinet de Serge Dassault, surnommé à Corbeil «le porteur de valises»).
Les autres semblent avoir été choisis pour leurs compétences. Un certain «Gustave» gère les sorties de prison. «Samira» ou «SK», qui apparaît sur 33 dossiers, s’occupe des embauches des jeunes en contrats CAE. Il pourrait s’agir d’une ancienne élue qui a démissionné en 2011. Un monsieur «Laziri» intervient pour le dispositif «pied à l’étrier» (PAE) mis en place par la ville. Il y a aussi Audrey Vernet, chargée du commerce et de l’artisanat à la mairie. Elle est mentionnée dans une vingtaine de dossiers (permis de conduire, licences de taxi, création de sociétés). «Je suis très étonnée, mon rôle consiste à aider, dans un cadre tout à fait légal, les gens qui veulent monter leur société, et en aucun cas de donner de l’argent. Je ne connais pas ce listing», a-t-elle répondu hier à Libération.

Les points en suspens

Grâce à ces listings, les juges disposent d’une mine d’informations. Ils vont pouvoir entendre à la fois les bénéficiaires de faveurs, ainsi que les élus et les personnes mentionnées dans la gestion des dossiers. Il y a également des zones d’ombre sur la nature du document. Selon nos informations, les électeurs qui y figurent sont inscrits dans des bureaux de vote différents. La liste n’est donc pas géographique. Du coup, s’agit-il d’un tableau, parmi d’autres, correspondant au travail d’une seule des équipes soupçonnées d’avoir acheté des voix ? Ou bien est-ce la liste exhaustive des électeurs qui ont bénéficié d’un soutien ? Joint hier par Libération, Pierre Haik, l’avocat de Serge Dassault, n’a pas souhaité commenter nos informations.





Serge Dassault est sorti libre jeudi dernier de garde à vue. Il doit être mis en examen.
Serge Dassault est sorti libre jeudi dernier de garde à vue. Il doit être mis en examen. (Photo Philippe Wojazer. Reuters)

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