vendredi 21 novembre 2014

Affaire Dassault (1)

Les magouilles d'un patron milliardaire

L'article de Sud-Ouest retrace avec exhaustivité  toutes les magouilles de Dassault à Corbeil, tous les procès en cours. Il est  d'autant plus intéressant qu'il rappelle qu'en 1998, le patron milliardaire avait déjà été condamné pour corruption active en Belgique ; ce que la presse du groupe dont il est propriétaire (Figaro et compagnie) s'empresse d'oublier systématiquement !!
Article du journal SUD-OUEST
publié le vendredi 21 novembre 2014

Corruption, achats de vote, blanchiment... Les affaires qui visent Serge Dassault



Dassault aurait reçu de l'argent liquide par une filière suisse qui lui aurait permis d'acheter des voix. Au coeur de multiples affaires, l'industriel a déjà été condamné pour corruption en 1998. Le point


Les 6 et 7 octobre derniers, Gérard Limat, ancien proche de Serge Dassault, a raconté dans le détail aux juges d'instruction comment il a remis 53 millions d'euros à l'avionneur, entre 1995 et 2012.
Les soupçons de corruption électorale dans son fief de l'Essonne et de détournements de millions d'euros ne sont pas les seuls ennuis judiciaires du patron de presse et patriarche de l'empire Dassault, symbole de la réussite industrielle et technologique de la France.
REPERES
Âgé de 89 ans, Serge Dassault, est polytechnicien et ingénieur de l'Ecole nationale supérieure de l'aéronautique.  Ancien directeur puis PDG de Dassault Aviation (1955-2000), héritée de son père, Marcel, en 1986, il est à la tête de la 6ème fortune de France (13,5 milliards d'euros selon Challenges). Maire de Corbeil-Essonnes de1995 à 2009, il est devenu sénateur UMP de l'Essonne en 2004 et a racheté la même année le "Figaro".
Déjà condamné en 1998 dans une affaire de pots-de-vin en Belgique, l'ancien maire de Corbeil-Essonnes fait aujourd'hui l'objet de cinq enquêtes judiciaires: une à Paris sur le financement des campagnes de 2008, 2009 et 2010 ; une sur plainte des enfants Dassault, pour « appels malveillants» et « tentatives d'extorsion de fonds » ; une ouverte par Tracfin, sur des prêts accordés par Serge Dassault à plusieurs personnes ; deux à Evry pour des tentatives de meurtre.
  • 1. 1998 : CONDAMNATION POUR CORRUPTION ACTIVE EN BELGIQUE
"C'est un mauvais souvenir, n'en parlons plus", Serge Dassault au "Parisien", septembre 1998
En 1998, Serge Dassault est maire de Corbeil-Essonnes depuis trois ans, une ville qu'il a ravie en 1995 au Parti communiste, pour l'offrir au  RPR. Le 23 septembre, la Cour de cassation belge reconnaît le PDG français coupable de"corruption active" et le condamne à deux ans de prison avec sursis.

15 MILLIONS DE FRANCS POUR LE CONTRAT "CARAPACE"

L'avionneur était mis en cause pour le versement en avril et juin 1989, au Parti socialiste belge, de 15 millions de francs français versés par la société Dassault, via le  compte en Suisse "Sophie", appartenant à sa mère, Madeleine Dassault. Objet de la contrepartie : l'attribution à sa société Electronique Serge Dassault (ESD) du contrat "Carapace", un marché d'équipement en systèmes de protection électronique des avions F-16 de l'armée belge. Serge Dassault soutenait qu'il était "totalement étranger" à ces  pots-de-vin, mais, pour la justice belge, le doute n'était pas permis, l'industriel avait décidé personnellement de leur versement.
Ces commissions occultes avec les avionneurs Dassault et Agusta avaient été révélées par des perquisitions menées dans le cadre de l'enquête sur la mort d'André Cools, l'ex-vice-Premier ministre belge et ex-président du Parti socialiste, assassiné sur un parking le 18 juillet 1991 à Liège. On soupçonnait des membres du PS belge d'avoir commandité le crime. LIRE LA SUITE



  • 2. 2010 :  VERSEMENTS ELECTORAUX OCCULTES PRESUMES A CORBEIL-ESSONNES


Le candidat UMP Jean-Pierre Bechter (à gauche), bras droit de l'ancien maire de Corbeil-Essonnes Serge Dassault, fête sa victoire à la municipale, le 4 octobre 2009.© Photo AFP/Bernard Gaudin
En 2004, Serge Dassault entre au Sénat. Il est réélu maire de Corbeil-Essonnes en  2008, avec 174 voix d'avance. En juin 2009, le Conseil d'Etat annule cette élection, pour "dons d'argent". L'industriel est déclaré inéligible pour un an. Le 22 septembre 2010, c'est l'élection de son successeur, Jean-Pierre Bechter, le 4 octobre 2009, avec 27 voix d'avance, qui est invalidée. Il sera toutefois réélu maire en décembre 2010, puis en mars 2014.

SUSPICION D'ACHATS DE VOIX

Depuis plusieurs années, Serge Dassault est soupçonné de distribuer des enveloppes à ses électeurs. En 2010, la cellule Tracfin, l'organisme antiblanchiment de Bercy, fait un premier signalement de versements suspects de Dassault, en dénonçant des mouvements de fonds suspects opérés à l'occasion des élections municipales qui se sont déroulées en 2008, 2009 et 2010 à Corbeil-Essonnes. Le 18 octobre 2010, "Libération" établit un lien entre Gérard Limat, citoyen suisse, comptable et ami de Serge Dassault, et le système d'achats de voix présumé à Corbeil. Mamadou Kébé,  un jeune de la cité des Tarterets, affirme dans les colonnes du quotidien, avoir reçu un virement de 15.000 euros de Limat, finalement refusé par la banque, en échange de son travail pour faire élire, en 2009, Jean-Pierre Bechter, le successeur du milliardaire à la mairie.
En décembre 2012, le "Canard enchaîné" révèle l'existence d'une vidéo pirate, où l'avionneur semble reconnaître des versements électoraux occultes. En mars 2013, les juges sont saisis pour corruption, blanchiment, abus de biens sociaux et achat de voix. Le 25 juin, les policiers perquisitionnent l'hôtel particulier du rond-point des Champs-Elysées, siège parisien du groupe Dassault. Les enquêteurs y découvrent un relevé de compte luxembourgeois appartenant à Gérard Limat, sur lequel figure deux virements à un délinquant de Corbeil.


Serge Dassault (deuxième en partant de la droite) à la commission des finances au Sénat en octobre 2011.© Photo AFP/Vincent NGuyen
Le 16 septembre 2013, "Mediapart" publie trois extraits d'un "enregistrement clandestin réalisé fin 2012". L'industriel milliardaire y "admet" avoir "payé pour s'assurer de la victoire" de son successeur en 2010. Le 8 décembre 2013, le sénateur UMP se dit "victime de chantage et de racket".
Dassault : "Je ne peux plus sortir l'argent... par Mediapart
 Le 17 janvier 1014, Jean-Pierre Bechter, le successeur de Serge Dassault, est mis en examen pour "recel du produit d'infractions d'achats de votes" et "financement illicite de campagnes électorales". Le 12 février 2014, le Sénat finit par lever l'immunité parlementaire de Serge Dassault, après avoir refusé de le faire le 8 janvier.

Vidéo : Serge Dassault perd son immunité... par lemondefr
Le 10 avril,  l'industriel est à son tour mis en examen pour "achat de votes", "complicité de financement illicite de campagne électorale" et "financement de campagne électorale en dépassement du plafond autorisé". Les juges estiment alors à 7 millions d'euros "les dons ou libéralités en argent".
Quand l'industriel "me disait qu'il avait besoin de me voir, je comprenais qu'il avait besoin d'argent liquide", Gérard Limat aux enquêteurs, octobre 2014
Les 6 et 7 octobre derniers, l'affaire rebondit. Lors de sa garde à vue, Gérard Limat explique aux policiers anticorruption de Nanterre qui enquêtent sur les soupçons d'achat de voix à Corbeil-Essonnes, qu'il aurait remis à l'industriel et ex-maire de la ville, 53 millions d'euros en liquide transférés de Suisse, de 1995 à 2012. Dont, selon les révélations de "Libération" et "France inter" qui ont eu accès aux procès verbaux de l'audition, 7,4 millions sur la période 2008-2012 des trois scrutins visés par les enquêtes. L'argent était puisé sur des comptes au Liechtenstein, au Luxembourg ou en Suisse, avant d'arriver sur les comptes genevois de Cofinor, une société financière au coeur du dispositif.
"Je posais le sac dans un coin de son bureau et immédiatement on parlait d'autre chose", Gérard Limat aux enquêteurs, octobre 2014
Les liasses de billets de 100 euros entourées de papier journal et conditionnées dans des sacs plastique étaient posées dans un coin du bureau de Serge Dassault au rond-point des Champs Elysées. A la suite de ce témoignage qui dévoile l'ampleur d'un système de financement illégal qui pourrait dépasser le seul cadre de électoral, Gérard Limat est mis en examen pour "complicité de financement illégal de campagnes électorales et d'achat de votes" et "blanchiment". Le comptable n'établit toutefois pas de lien entre ses livraisons d'argent et l'achat présumé de voix à Corbeil-Essonnes.


Serge Dassault au Sénat en janvier 2014.© Photo AFP
  • 3. 2012 : HARCELEMENT ET TENTATIVES D'EXTORSION
En janvier 2013, le Parquet de Paris gérait trois autres enquêtes préliminaires concernant Serge Dassault. L'une concernait la famille du milliardaire, harcelée en 2012 d'appels téléphoniques menaçants et de tentatives d'extorsion de fonds émanant de voyous locaux. Suite à un nouveau signalement de Tracfin, la justice enquêtait parallèlement sur les fortes sommes prêtées ou données par l'industriel à Corbeil, à des personnes  connues de la justice.
  • 4. 2013-2014 : TENTATIVES D'HOMICIDES
Serge Dassault est également mis en cause dans une tentative d'assassinat commise par l'un de ses proches, Younès Bounouara, à Corbeil, le 19 février 2013. Dans l'enquête ouverte pour tentative d'homicide, les policiers suivent la « piste politique ». En juin 2013, les juges veulent placer l'industriel en garde-à-vue pour complicité, mais le bureau du Sénat rejette alors sa levée d'immunité. Il est finalement entendu en octobre 2013 dans cette affaire, en qualité de témoin assisté à Évry (Essonne).
Rachid Toumi  un homme de 33 ans qui s'était faisait tirer dessus en janvier 2013 à Corbeil,  Interrogé par "Le Parisien" le 27 février, dit avoir participé à l'entretien du « système Dassault », et assure avoir « toujours vu des gens toucher de l'argent » en échange de leur vote. Là aussi, une enquête est ouverte.
Enfin, le 25 mai 2014, peu avant minuit, à Saintry-sur-Seine, dans l'Essonne, Machiré Gassama, est visé par des tirs de fusil à pompe. Directeur de la jeunesse et des sports à la mairie de Corbeil-Essonnes et proche de Dassault et de son successeur Jean-Pierre Bechter, l'homme échappe à la mort. Il aurait été victime d'un nouveau règlement de comptes dans l'affaire d'achats de votes et de financement illicite de campagne électorale à Corbeil-Essonnes..
"Je donne de l'argent pour la bienfaisance, jamais pour les élections", Serge Dassault, 8 avril 2014
Serge Dassault qui bénéficie de la présomption d'innocence, dément formellement avoir acheté des voix d'électeurs. Il siège toujours au Sénat,


SEPT MISES EN EXAMEN
Dans l'affaire du présumé achat des voix pour la réélection de Serge Dassault et de l'éventuel financement illégal de campagne électorale, six personnes sont mises en examen aux côtés de l'industriel : Jean-Pierre Bechter, son salarié et successeur à la mairie de Corbeil, Jacques Lebigre, son bras droit et ancien maire adjoint, Cristela de Olveira, son ex-adjointe, Gérard Limat, son comptable suisse et deux chefs présumés de lobbyistes électoraux à Créteil, Younès Bounouara et Mamadou Kébé. En cavale depuis février 2013,  Bounaouara est en outre soupçonné de tentative d'assassinat.

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